Sarah Jollien-Fardel dépeint une atmosphère rurale et brutale dans un village du Valais, témoin d’un drame familial. Pourtant personne, jamais, ne parlera. Pas même le médecin, qui plus tard, fera une révélation saisissante pour finalement avouer sa lâcheté. A l’origine de tout, du mal, Louis, un homme pervers, alcoolique et déchaîné, s’acharne sur sa femme et ses deux filles en toute impunité. L’une des filles, Jeanne, nous raconte son combat à survivre, à tenir tête à ce père abusif, à fuir, malgré la culpabilité de laisser derrière elle sa mère battue et insultée. Quitter sa soeur aînée aura aussi été un crève-coeur. Elle aurait voulu prendre sa place, celle de la « préférée » pour la protéger.
Sur de telles fondations fragiles, il est compliqué pour Jeanne de construire une relation amoureuse, elle rejette les hommes, qu’inconsciemment elle assimile au père. Un seul homme, Paul, va pourtant réussir à l’apprivoiser, la réconcilier avec l’amour, lui apporter une pause de plaisir dans le temps. Mais fatalement les souvenirs, tel un poison insidieux, la rongent de l’intérieur. L’auteure réussit à embarquer son lecteur dans les limbes d’une souffrance, d’une colère omniprésente, bousculé, dérangé, pour le laisser impuissant face au destin de Jeanne.
Un premier roman remarquable, qui nous rappelle celle d’une tragédie grecque, douloureuse et poignante, à la fin inéluctable.
Extrait
« Je voyais la faiblesse de ma mère, la stupidité et la cruauté de mon père. Je voyais l’innocence de ma sœur aînée. Je voyais tout. Et je savais que je n’étais pas de la même trempe qu’eux. Ma faiblesse à moi, c’était l’orgueil. Un orgueil qui m’a tenue vaillante et debout. Il m’a perdue aussi. J’étais une enfant. Je comprenais sans savoir. »
Crédit photo de l’auteure: © Marie–Pierre Cravedi
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