Ballotée par les eaux froides, emportée sur les sommets les plus hauts, descendue dans les profondeurs de la terre et amenée sur les terrains de sport les plus célèbres, la montre à la couronne relève des défis aux limites des capacités humaines. En recherche permanente de prouesses techniques, elle s’est depuis toujours associée à des personnes dont l’objectif est l’exploit d’exception.
Avec vingt trophées du Grand Chelem, deux médailles olympiques et plus de 1200 matchs remportés, Roger Federer est un tennisman qui mêle l’élégance à la performance.
Depuis près de 16 ans il est également ambassadeur de Rolex, succédant aux grands noms, comme Mercedes Gleitze, Sir Edmund Hillary et le Sherpa Tensing Norgay ou encore Don Walsh et Jacques Piccard.
Portée sur les poignets de John Fitzgerald Kennedy, Fidel Castro, Naomi Campbell, James Bond, Coluche et même le pape Benoît XVI, la montre Rolex est indéniablement l’un des acteurs les plus emblématiques de l’industrie horlogère.
Icône de prospérité et réussite sociale, elle a su se réinventer au cours de son histoire, tantôt épaulée par l’avant-gardisme technique, tantôt par le savoir-faire traditionnel helvétique. Pourtant, elle n’est pas si suisse, en tout cas pas entièrement. Petit retour en arrière pour en savoir plus.
L’histoire de Rolex débute avec un jeune bavarois, Hans Wilsdorf.
Né en 1881, il aurait passé ses premières années dans un climat d’insouciance et de liberté. Malheureusement, il perd rapidement ses deux parents, est mis sous tutelle de ses oncles, qui l’auraient envoyé dans un pensionnat à Coburg pour lui assurer un avenir prospère. Après un apprentissage dans une société de perles, il trouve son premier emploi à La Chaux-de-Fonds, l’épicentre de l’horlogerie à cette époque.
Il intègre les équipes de l’exportateur des montres Cuno Korten et passe ses journées à échanger avec les clients, remonter les montres et vérifier leur précision. Si tous les éléments semblent être réunis pour la création d’une Maison horlogère, l’histoire de Rolex ne débutera pas tout de suite ! Mais ne sautons pas les étapes.
En 1903, Hans Wilsdorf quitte sa Suisse d’adoption pour s’installer en Angleterre.
D’abord il travaille en tant qu’employé dans une société de montres, mais très rapidement veut créer sa propre affaire de fabrication horlogère. En son beau-frère Alfred Davis, il aurait trouvé un soutien financier et un partenaire de business, et ouvre la société sous le nom de Wilsdorf & Davis Ltd.
Ainsi, c’est en mêlant le savoir-faire commercial britannique, la qualité du savoir-faire suisse et les principes de gestion allemandes que Hans Wilsdorf âgé de 24 ans fonde celle qui va devenir Rolex et révolutionner indéniablement le paysage horloger international.
Quand Rolex est devenue Rolex
Fasciné par la mécanique horlogère, Hans Wilsdorf décide d’aller à contre-courant dès le début de son affaire. Plus concrètement, alors que le monde ne jurait que par les montres de poche, il décide de se spécialiser sur les montres-bracelets.
Bien que ce modèle existait déjà, il restait surtout réservé aux femmes et avait le statut de bijou, plutôt qu’épicentre de prouesses techniques. Croyant fortement à ces petits mécanismes attachés au poignet, le visionnaire se donne comme objectif de prouver leur précision et robustesse malgré l’élégance et la praticité de leur taille. Pari gagné grâce au partenariat avec la manufacture Aegler de Bienne. Pourquoi la Suisse, alors qu’il s’est installé à Londres ?
Tout simplement parce que les artisans helvétiques étaient les seuls à avoir les compétences pour fabriquer ces minuscules mouvements mécaniques !
Mais remontons au moment clé de l’histoire : 1908, l’année où Rolex est devenue Rolex.
Nous aurions pu avoir une histoire de symbolisme, sens caché ou une référence mythologique, il n’en est rien. Le nom en cinq lettres est tout simplement une invention du génie Wilsdorf. Alors que l’entreprise commençait à gagner ses premiers clients, le jeune allemand voulait trouver un nom fonctionnel, simple et facile à prononcer dans toutes les langues – et oui, déjà des envies de conquête du monde avec ses cadrans ! Un jour, alors qu’il roulait dans un omnibus le long de Cheapside, le nom de “Rolex” est venu dans son esprit. Quelques jours plus tard, il est déposé.
Voyage genevois
Nom de marque trouvé, il faut à présent prouver la qualité des mouvements et la précision des mécanismes contenus dans les petits boîtiers. Première étape réussie haut la main en 1910 avec l’obtention du bulletin de chronométrie délivré par le Bureau de contrôle de la marche des montres de Bienne, puis confirmée en 1914 avec le certificat de Classe « A » de l’Observatoire de Kew, en Grande-Bretagne.
Très prestigieuse à l’époque, c’était surtout la première certification pour des montres-bracelets jamais délivrée ! Ensuite, il faut séduire ses contemporains pour sortir leur traditionnel gousset de leur poche !
Cela peut paraître contradictoire, mais c’est bien la guerre qui va donner un coup de pouce à Rolex. Même deux.
Commençons par le premier. Fortement équipés et comptant chaque seconde de leur temps, les combattants n’ont ni la place, ni le temps pour sortir leur montre à gousset. Pourtant ils ont besoin d’être parfaitement synchronisés. La solution ? Une montre sur le poignet ! Et plus personne ne dira qu’elle est uniquement réservée aux femmes, une fois qu’elle aura atterri sur l’avant-bras des poilus.
Deuxièmement, c’est également la guerre qui inscrit Rolex sur la liste des marques helvétiques. Et oui, alors que le Royaume-Uni instaure une taxe de 33% sur les produits d’importation pour l’effort de guerre, Hans Wilsdorf décide de se rapprocher de ses fournisseurs, concentrés en Suisse.
Ainsi est née la société Montres Rolex S.A. en 1920 pour être couronnée de succès, tant au sens figuré que propre, puisque le symbole à cinq pointes est rajouté en 1931.
Des profondeurs au ciel
Rolex se met alors dans une tourbillonnante recherche d’innovation pour créer des montres toujours plus élégantes visuellement et sophistiquées sur le plan technique avec de nombreuses complications résistantes.
Tout comme le mouvement de la trotteuse, Hans Wilsdorf travaille avec précision sans pour autant se précipiter.
Ingénieux industriel, il est également un fin spécialiste de marketing. Qui mieux pour véhiculer les valeurs de sa marque, que les explorateurs, dont le seul objectif est le dépassement des capacités physiques et mentales ?
Le premier succès de cette stratégie est la traversée de la Manche à la nage par Mercedes Gleitze. Alors que la Britannique sort de l’eau, la foule, émerveillée par ce record voit également un petit objet qui a brillamment survécu à cette aventure de près de dix heures. La toute première montre-bracelet étanche de l’histoire !
Hans Wilsdorf ne s’arrête pas au succès sur la plage et annonce le triomphe de la Rolex Oyster (huitre en anglais) sur la première du londonien Daily Mail. Ainsi, le premier pignon du succès planétaire est posé !
Ensuite suivront d’autres aventures aux limites du corps humain et les mécanismes d’une qualité extrême qui les accompagnent. Les événements historiques deviennent ainsi les nouveaux relais pour la communication de Rolex, amenant les cadrans aux extrémités de la Terre. En 1935, Sir Malcolm Campbell bat le record de vitesse terrestre en conduisant sa Bluebird à plus de 485 km/h, une Rolex au poignet.
Avec sa résonance planétaire, l’ascension du mont Everest par Sir Edmund Hillary et le Sherpa Tensing Norgay a non seulement propulsé la Oyster Perpetual au sommet de la gloire, mais également contribué au développement de l’Explorer. La fabrique a d’ailleurs équipé d’autres expéditions himalayennes pour tester ses pièces dans les conditions extrêmes de haute altitude. Sept ans plus tard, la Rolex Deep Sea Special est accrochée au bathyscaphe guidé par Don Walsh et Jacques Piccard et descend à un peu moins de 11 milles mètres de profondeur dans la fosse des Mariannes. Elle reste intacte et garde sa précision.
Cette expérience est bien plus parlante et spectaculaire pour le public que des montres posées dans les aquariums en vitrine, cela dit Rolex a fait les deux ! Alors que ces exploits attisent en permanence la curiosité, le public veut se rapprocher de ces ingéniosités techniques. Et le choix est large : la Datejust en 1945, la Submariner en 1953, la GMT‑Master en 1955, la Day‑Date l’année suivante, pour n’en citer que quelques-unes.
Si l’histoire de Rolex semble être une success-story sans faille, un événement est sur le point de fragiliser l’entreprise. En effet, en 1960 Hans Wilsdorf décède à Genève.
Il laisse derrière lui la Fondation Hans Wilsdorf, propriétaire de l’entreprise, et un empire à la couronne qui aurait pu se perdre dans la concurrence, mais c’est sans compter André Heiniger, qui reprend d’une main de fer, enfin d’acier, la gouvernance du groupe.
C’est justement lui qui prend la décision stratégique de rester fidèle à la montre mécanique, alors que les modèles quartz embaument la place horlogère de leur praticité. Cela dit, la Oysterquartz voit quand même le jour en 1977, mais il faut tester pour refuser, non ? Le prochain revirement de direction sera pris par son fils, Patrick Heiniger, qui change radicalement la structure d’entreprise à travers une intégration verticale des fournisseurs.
Alors que d’autres directeurs vont s’enchaîner à sa tête, Rolex continue de suivre sa passion de la perfection, revisitant ses modèles de garde-temps traditionnels avec des innovations et des designs contemporains.
Que cela puisse paraître paradoxal, l’engouement et la popularité exponentielle de la manufacture sont tels, que Rolex est surement la marque horlogère qui a le plus de copies !
Si la contrefaçon est dénonçante, elle prouve néanmoins que l’empire bâti par Hans Wilsdorf est devenu une vraie représentation de la réussite, dont le monde veut faire partie !