Une enfance entre politique et philosophie
Germaine de Staël, née Anne-Louise-Germaine Necker le 22 avril 1766 à Paris, est issue d’une illustre famille suisse. Son père, Jacques Necker, était un riche banquier genevois devenu ministre des Finances de Louis XVI, et sa mère, Suzanne Curchod, une intellectuelle vaudoise qui tenait un salon littéraire influent.
Dès son plus jeune âge, Germaine est plongée dans l’univers des Lumières, fréquentant les penseurs de son temps comme Diderot, Buffon et l’abbé Raynal. Bénéficiant d’une éducation peu conventionnelle pour une jeune fille de l’époque, elle développe une érudition remarquable et une passion pour la politique et la littérature.



L’entrée dans le monde aristocratique et politique
En 1786, un mariage arrangé est conclu, elle épouse Éric Magnus de Staël-Holstein, ambassadeur de Suède en France. Ce mariage lui offre une place privilégiée dans les cercles de pouvoir. Elle ouvre rapidement son propre salon littéraire à Paris, où elle accueille des figures influentes comme La Fayette, Condorcet et Talleyrand. Ils auront ensemble 4 enfants.
Tout en animant ces débats intellectuels, elle entame sa carrière d’écrivaine. Favorable aux idéaux de la monarchie constitutionnelle, elle soutient la Révolution française à ses débuts, mais la chute de Louis XVI et la montée de la terreur la contraignent à l’exil en Angleterre en 1793.
Une intellectuelle engagée : féminisme et abolitionnisme
Germaine de Staël défend ardemment la liberté sous toutes ses formes. Lectrice de Rousseau, admiratrice du modèle anglais, elle milite pour une république modérée et s’attaque aux préjugés systémiques de son époque.
Son engagement en faveur des femmes est central dans son œuvre. Dans sa correspondance, ses essais et ses romans, elle plaide pour leur éducation et autonomie, dénonçant leur marginalisation dans la société.
Elle est également une figure abolitionniste, influencée par les positions de son père. Dès les années 1790, elle condamne la traite des esclaves et publie des nouvelles engagées, comme Mirza ou la lettre d’un voyageur, Histoire de Pauline et Zulma, où elle critique l’esclavage et défend l’émancipation.

L’exil à Coppet et l’opposition à Napoléon
D’abord fascinée par le général Bonaparte, elle devient rapidement une opposante résolue à son pouvoir autoritaire. Son influence et son esprit critique irritent Napoléon, qui la bannit de Paris en 1803 et lui interdit de publier en France.
Elle trouve refuge dans son château de Coppet, près de Genève, où elle fonde un foyer intellectuel majeur. Ce que l’on appellera plus tard le « groupe de Coppet » réunit des écrivains et penseurs tels que Benjamin Constant (son ancien compagnon) et Jean de Sismondi. Ensemble, ils réfléchissent aux nouveaux modèles politiques et s’engagent pour l’abolition de l’esclavage.
Entre deux séjours à Coppet, elle voyage à travers l’Europe, notamment en Italie, en Allemagne et en Russie, popularisant les idées du romantisme. Son ouvrage De l’Allemagne (1810), où elle exalte la culture germanique, est interdit par Napoléon, qui y voit une menace à son autorité.

Une reconnaissance tardive et un héritage durable
Avec la chute de Napoléon en 1814, Madame de Staël peut enfin rentrer en France. Son opposition intransigeante à l’Empire lui confère une grande notoriété, faisant d’elle une figure emblématique du libéralisme.
Mais après des années d’exil et de combats intellectuels, sa santé décline. Elle s’éteint le 14 juillet 1817, à l’âge de 51 ans, laissant derrière elle une œuvre foisonnante et une influence considérable.


Un esprit libre qui inspire encore aujourd’hui
Aujourd’hui, Madame de Staël est reconnue comme une pionnière du féminisme, du libéralisme et de l’abolitionnisme. Son château de Coppet demeure un symbole de la pensée indépendante et de la liberté intellectuelle.
Son combat ne s’arrête pas avec elle : son fils Auguste-Louis de Staël-Holstein et son ancien compagnon Benjamin Constant poursuivent son engagement contre l’esclavage, militant pour son abolition dans les années 1820.
Par son audace, son indépendance et son engagement, la fière romande Madame de Staël demeure une figure intemporelle du combat pour la liberté et le progrès.