©Michel Juvet / NOW Village
Portrait
06 avril 2021

Marc-Olivier Wahler : Le Directeur du Musée d’Art et d’Histoire (MAH), évolution ou révolution ?

On le dit homme de projets, féru d’art contemporain et réformateur, mais qu’en est-il vraiment de celui qui a pris les rênes de l’emblématique Musée d’Art et d’Histoire à Genève?

par Laëtitia Cadiou

Marc-Olivier Wahler est né en 1964 à Neuchâtel, a conclu ses études par une maîtrise en philosophie et une en histoire de l’art. Il acquiert de nombreuses couleurs à sa palette professionnelle comme celle d’enseignant, critique d’art, curateur ou encore directeur de centres d’art. Il aura contribué au rayonnement artistique et au développement de lieux d’art importants:  Le MAMCO à Genève où il participe à la mise en place des collections, co-fonde le CAN (Centre d’Art de Neuchâtel ), prend ensuite la direction du SI  (Swiss Institute – Contemporary Art, centre d’art contemporain indépendant) à New-York, puis devient Directeur du Palais de Tokyo à Paris avant le musée MSU Broad Museum Michigan. Pas moins de 400 expositions à son actif, cet hyper actif dans l’art nous livre sa recette pour redynamiser le MAH.

Ses plus belles expériences
« Mes choix ont toujours été guidés par les challenges et particulièrement par ceux qui demandent de tout construire ou de relancer la machine comme le CAN. Je suis très fier d’avoir participé à cette aventure, d’avoir pu changer le paysage culturel et la vision sur l’art contemporain à Neuchâtel ». Autre défi, celui de la transformation apportée au Palais de Tokyo. « On a pu créer un lieu d’art multifonctionnel, multiplier les lieux d’expositions et mettre en place des présentations folles. J’ai pu doubler les espaces d’expositions, créer de nombreuses structures, comme par exemple installer un hôtel sur le toit, ce qui était une aventure extraordinaire. Aujourd’hui ce n’est plus possible : une institution ne va plus prendre ce type de risque, qu’il soit artistique ou financier ».

Son pire souvenir dans l’art
« J’ai failli changer de job après avoir vu une exposition à Vienne au Mumok de Mike Kelley en 2003. Cette exposition était si parfaite ! Elle représentait ce que j’avais toujours rêvé de faire mais je n’avais pas la structure mentale pour la réaliser. Il avait mis la barre tellement haut que j’ai reçu un coup sur la tête ! J’ai voulu tout arrêter. Ce sont souvent les expériences qui nous bouleversent qui nous font avancer »

©Michel Juvet / NOW Village

Comment l’art est entré dans ma vie
Ma première émotion avec l’art commence à 16 ans. Je prends un train de nuit pour Paris, arpente la ville toute la journée et arrive par hasard en face du Centre Beaubourg. Je prends l’escalator, me retrouve dans les expositions. Je tombe nez à nez devant une toile de Jackson Pollock et vis ma première épiphanie artistique.

Comment créer les interactions entre le public et le musée, stimuler les jeunes pour s’y rendre ?
« Il faut accepter le fait qu’un musée peut être intimidant et que tout le monde n’a pas envie de venir à la rencontre d’une culture un peu stricte. Il faut imaginer une expérience générale. Par exemple, au Palais de Tokyo, les jeunes venaient pour y faire du skateboard, d’autres y manger dans un restaurant reconnu, l’un des premiers lieux publics où il y avait internet gratuit. En 2008 le journal The Guardian a sélectionné le musée comme étant le numéro 1 du « pickup place » le meilleur endroit pour aller draguer. J’ai trouvé ça génial ! On a envie d’aller au Musée pour une aventure : si on tombe amoureux avant de visiter une exposition, celle-ci deviendra alors la plus belle qu’on ait jamais vue. Tout cela participe à l’expérience.

©Michel Juvet / NOW Village

Quels sont vos objectifs pour rendre le MAH plus attractif ?
« La première chose est que le musée puisse mieux s’intégrer dans le tissu urbain, avec un accès facilité, faisant le lien entre le centre et la vieille ville, permettant de passer d’un endroit à l’autre… Venir au musée doit être une expérience qui transcende et les Genevois doivent pouvoir se l’approprier. Nous ne toucherons pas à la structure du musée qui est un bâtiment superbe mais nous allons mettre en place des outils pour que ce musée ne soit pas obsolète dans 10 ans.

Cette pandémie nous aura obligés à diffuser les informations au compte-goutte plutôt que du feu d’artifice espéré. Il faut préciser que je ne suis pas seul à décider, c’est avant tout un travail collectif avec tout le personnel du musée, la SAMAH, différentes associations de quartier, Patrimoine Suisse, etc.. Mais durant ces derniers mois, nous avons travaillé notamment à la définition des besoins pour le musée de demain, mis au point la nouvelle programmation, transformé notre identité visuelle, mis en valeur notre bâtiment en retrouvant sa lumière naturelle d’origine ainsi qu’en réouvrant de nombreux espaces, fermés pendant des décennies, etc. Tous ces efforts participent à rendre le musée plus attractif, avec également l’inauguration de la première exposition de la nouvelle programmation sous ma direction Walk on the Water. »

Walk on the Water fait référence à la culture aussi bien universitaire que populaire, à savoir au joyau de la collection permanente du musée « La Pêche Miraculeuse » du peintre Konrad Witz datant de 1444 et à la chanson Smoke on the water de Deep Purple, écrite lorsque le groupe se trouvant à Montreux, voit le casino s’enflammer avec les vagues de fumée qui s’étendent sur le lac Léman. Pop Culture et haute culture, le grand écart. L’invitée de Marc-Olivier Wahler, Jakob Lena Knebl, est la première curatrice d’une série de grandes expositions « carte blanche » conçues pour multiplier les regards sur le musée et les interprétations sur sa collection. Pour l’artiste viennoise, l’objectif est de mélanger intime et public et de confronter la valeur esthétique et usuelle des objets. On retrouve ainsi notre univers domestique avec des sculptures dans des cabines de douche, une cuisine qui accueille aussi bien des vases antiques que de l’argenterie, etc. Conserver la tension entre l’oeuvre et les objets ordinaires : des préoccupations actuelles de notre société.
Saviez-vous que le Musée d’art et d’histoire détient près d’1 million d’objets ?

Marc-Olivier Wahler, dorénavant maître des lieux, veut repenser le Musée de demain, pour qu’il soit à la pointe de ce que peut proposer une institution publique à ses citoyens. Il se dit être « un aventurier en terre connue » pour le MAH, le parfait équilibre entre innovation et réalisation mais aussi entre création et respect du lieu. Un souffle de renouveau et de justesse flotte déjà sur le MAH.

Informations pratiques : 

Musée d’Art et d’Histoire
2, rue Charles-Galland
1206 Genève
www.mahmah.ch