Lifestyle
15 March 2022

Caran d’Ache : the Geneva rainbow

by Eugénie Rousak


A jewel of Swiss industry, Caran d’Ache has long been more than just a pencil manufacturer. 🇹🇭

Un vent frais s’invite dans la ville, les feuilles vont bientĂŽt laisser Ă©chapper leur odeur musquĂ©e et le soleil a dĂ©jĂ  dĂ©butĂ© son cycle dĂ©croisant. C’est le dĂ©but de l’automne et les enfants ont repris le chemin de l’école. Dans leurs cartables et pupitres se nichent une rangĂ©e de stylos et de crayons, qui vont accompagner cette nouvelle annĂ©e scolaire. Depuis prĂšs d’un siĂšcle, une enseigne genevoise multicolore a indĂ©niablement sa place fĂ©tiche dans les doigts des petits suisses. C’est l’histoire de la Maison en arc-en-ciel.

Si l’utilisation d’un stylet solide pour l’écriture remonte Ă  l’AntiquitĂ©, le crayon moderne avec un mĂ©lange de graphite et d’argile Ă  la place de la plombagine est apparu Ă  la fin du XVIIe siĂšcle. C’est justement cette invention de la baguette en bois, qui a donnĂ© le coup d’envoi quelques 120 ans plus tard Ă  celui qui deviendra le spĂ©cialiste helvĂ©tique des instruments d’écriture et de dessin. L’histoire de Caran d’Ache dĂ©bute assez timidement en 1915 sous le nom de Fabrique de crayons Ecridor. D’ailleurs, rappelez-vous de ce dernier mot, il aura son nom dans l’histoire. InstallĂ©e Ă  la TerrassiĂšre Ă  GenĂšve, la fabrique Ă©tait initialement spĂ©cialisĂ©e dans la production de savons avant de se transformer en usine de crayons. Elle a ainsi commencĂ© Ă  produire des crayons graphites et quelques dĂ©clinaisons colorĂ©es. Échanger des bulles pour du carbone, pourquoi pas ? Malheureusement, le pari est perdu. Pas de mine d’or pour l’enseigne genevoise, la concurrence des produits allemands et tchĂšques Ă©tait trop importante. La sociĂ©tĂ© est mise en faillite avant mĂȘme d’avoir fĂȘtĂ© sa premiĂšre dĂ©cennie. C’est la fin de l’histoire. Pourtant une autre est sur le point de s’écrire avec Arnold Schweitzer. Écriture calligraphique bien entendu. Cet ambitieux entrepreneur saint-gallois s’intĂ©resse Ă  la petite usine genevoise et finit par l’acheter. Pour cette nouvelle affaire, il est notamment Ă©paulĂ© par l’expert-comptable Joseph Reiser et l’investisseur Henri HĂŒbscher, qui vont prendre part Ă  l’aventure des annĂ©es durant. Si le domaine d’activitĂ© reste le mĂȘme, le nom, est amenĂ© Ă  changer. DĂ©sormais c’est sous une rĂ©fĂ©rence au russe karandash autrement dit crayon que la Maison va peindre le marchĂ© en multiples couleurs. D’ailleurs, ce mot tire, lui, ses racines du terme turc karatash traduit par pierre noire, rĂ©fĂ©rence au graphite, mais c’est une autre histoire.

©Caran d’Ache

Avant-gardisme genevois

Une Ăšre innovatrice et technologique s’ouvre chez Caran d’Ache pour bientĂŽt tracer de son trait fin et dĂ©terminĂ© la vision de toute une industrie. Arnold Schweitzer dĂ©bute par remplacer les installations de l’ancienne usine, nombreuses seront les machines spĂ©cialement conçues pour les activitĂ©s de la nouvelle enseigne. L’entreprise se dote mĂȘme d’un four Ă©lectrique. D’ailleurs, en parlant du four. A l’époque, la cheminĂ©e de 28 mĂštres dominait le centre-ville genevois. Oui, une cheminĂ©e en pleine urbanisation et ce jusqu’à sa destruction en 1977, suite au dĂ©mĂ©nagement de la manufacture. Mais revenons Ă  l’annĂ©e 1929, date de la premiĂšre rĂ©volution, signĂ©e par la mine HB de Caran d’Ache. PortĂ© par l’idĂ©e de l’ingĂ©nieur genevois Carl Schmid, la Maison invente un tout premier porte-mine Ă  pince. Cet objet entiĂšrement rĂ©alisĂ© en mĂ©tal peut paraĂźtre Ă©tonnant pour une fabrique de crayons en bois, mais rĂ©sulte de l’adaptabilitĂ© de l’entreprise Ă  la pĂ©nurie de cette matiĂšre premiĂšre. Dans tous les cas, il actionne le poussoir du renom et coulisse la petite enseigne genevoise sur la scĂšne internationale.

Affiches publicitaires années 30-50

Ce premier succĂšs se confirmera assez vite, avec celui qui va encore longtemps ĂȘtre la carte de visite multicolore de la marque, le Prismalo. Cultes chez tous les petits suisses, ces crayons aux mines aquarellables ont fait un vĂ©ritable avant/aprĂšs dans les cours de dessin. Vous vous rappelez, ces baguettes magiques tout Ă  fait anodines sur du papier sec, mais complĂštement chamaniques avec un peu d’eau ? Leur secret (attention spoiler) ? Le liant qui assemble les pigments se dissout tout simplement dans l’eau. C’est chimique. D’ailleurs pour continuer dans ce domaine, parlons des gouttes, ce petit chapeau qui recouvre le bout des crayons et reprĂ©sente 10% de son prix final. Si sa dĂ©licieuse recette reste secrĂšte, il peut ĂȘtre mĂąchouillĂ©, mordu, sucĂ© Ă  volontĂ© par les grands et les petits car totalement inoffensif ! Cette finition est peut-ĂȘtre Ă©galement l’un des meilleurs exemples du pragmatisme suisse dĂ©fini par cette infime volontĂ© de perfection dans les dĂ©tails et minutieuse recherche de qualitĂ© invisible Ă  l’Ɠil nu, que la Maison porte Ă  travers son siĂšcle d’existence ! Et la rĂ©volution industrielle et la mĂ©canisation n’y changent rien, aujourd’hui 50 heures de travail et 35 Ă©tapes sont quand mĂȘme nĂ©cessaires pour la fabrication d’un crayon ! Le Swiss made, que voulez-vous ? MĂȘme Miro et Pablo Picasso en Ă©taient grisĂ©s !

Maison d’écriture, de haute Ă©criture

Progressivement la gamme de Caran d’Ache s’agrandit. Si la Maison travaille toujours Ă©normĂ©ment la couleur, comme en tĂ©moigne la mise en vente du Neocolor en 1952, elle se tourne Ă©galement vers les instruments d’écriture. A commencer par le fameux stylo-bille Ecridor, rapidement suivi par l’emblĂ©matique 849. Si les deux noms sont trĂšs Ă©vocateurs, c’est que ces modĂšles sont toujours produits, et plus encore, rĂ©guliĂšrement revisitĂ©s. On en parle juste aprĂšs. Le design hexagonal de ces stylos est certes trĂšs contemporain, mais la prouesse avant-gardiste Ă  laquelle la marque a habituĂ© ses fidĂšles acheteurs, rĂ©side Ă  l’intĂ©rieur de la piĂšce. Plus prĂ©cisĂ©ment dans sa recharge, qui promet quelques 8000 mĂštres de crĂ©ativitĂ© sans interruption ! Progressivement, la marque se tourne Ă©galement vers une approche plus haut de gamme, plus haute Ă©criture. Le ton est donnĂ© par la premiĂšre plume Madison dans les annĂ©es 70. Un vĂ©ritable bijou reposant dans son coffret. Ce tournant stratĂ©gique n’est pas si Ă©tonnant pour une industrie genevoise, nichĂ© au cƓur d’un large socle de banques privĂ©es et de maĂźtres horlogers. Et en parlant justement de cette derniĂšre, la rencontre entre la haute Ă©criture et la haute horlogerie a dĂ©jĂ  eu lieu Ă  deux reprises. Une premiĂšre en 2018 sous le nom de 1010 Timekeeper a permis de les faire se rencontrer sur un stylo, alors que la seconde, Timegraph, les a dĂ©finitivement mariĂ©es. AprĂšs deux ans de recherche et de collaboration avec une manufacture horlogĂšre, Caran d’Ache a prĂ©sentĂ© une plume dotĂ©e d’un mouvement horloger mĂ©canique en 2019. Une vĂ©ritable prouesse technologique sur un instrument de haute Ă©criture !

De Thonex Ă  Bernex

Boutique de GenĂšve ©Caran d’Ache

Spaghettis de crayons, graphites aux pointes de liseron, gouaches en arc-en-ciel, pastels Ă  la cire, encres d’exception et plumes laquĂ©es, la palette d’outils pour les beaux-arts et l’écriture s’allonge. La TerrassiĂšre devient trop Ă©troite pour les envies d’expĂ©rimentation et de crĂ©ativitĂ© et la manufacture dĂ©cide de s’installer sur quelques 35000 mĂštres carrĂ©s Ă  ThĂŽnex Ă  la fin des annĂ©es 60. Une Ă©volution significative pour une affaire familiale, qui voit en plus entrer Jacques HĂŒbscher, fils d’Henri, dans l’entreprise, encouragĂ© par Joseph Reiser. Avec ce nouveau souffle aux notes subtiles de kaolin et argile, la Maison affirme son envie de rester en Suisse, de produire en Suisse. Et vendre Ă  l’international bien sĂ»r ! Le vĂ©ritable nerf de cette guerre Ă  la croix blanche est le bois. Si le cĂšdre est certifiĂ© FSC, il vient de Californie. Tout au long de son histoire, l’enseigne aux 400 nuances de vermicelles essaie d’opter pour des solutions suisses. Si les premiers tests avec l’arolle du valais Ă©taient faits sous contrainte des problĂšmes d’importation durant la Seconde Guerre Mondiale, aujourd’hui c’est une vĂ©ritable question de principe pour rĂ©duire l’impact Ă©cologique. L’entreprise a mĂȘme dĂ©butĂ© une collaboration avec la Haute École SpĂ©cialisĂ©e Bernoise (HESB) pour l’épauler dans la sĂ©lection des essences locales de bois. Le problĂšme ? Le bois helvĂ©tique est trop dur, veinĂ© et prĂ©sente trop de nƓuds. Mais le dĂ©fi a Ă©tĂ© lancĂ© par Carole HĂŒbscher, membre de la quatriĂšme gĂ©nĂ©ration Ă  la tĂȘte de Caran d’Ache : 20% des crayons seront fabriquĂ©s en bois helvĂ©tique d’ici 2029 ! Dans la mĂȘme conscience environnementale, la sociĂ©tĂ© s’est rĂ©cemment liĂ©e avec un autre fleuron de l’industrie helvĂ©tique, Nespresso. RĂ©sultat de cette coopĂ©ration ? Des 849 en aluminium des capsules de cafĂ© recyclĂ©es. IngĂ©nieux non ? D’ailleurs, les collaborations sont depuis longtemps inscrites dans l’ADN de la Maison, que cela soit avec des artistes dont Paul Smith et Alexander Girard ou les sportifs comme Belinda Bencic !

Caran d’Ache X Nespresso & Caran d’Ache X Paul Smith ©Caran d’Ache

Aujourd’hui les 300 employĂ©s sont sur la pointe d’un nouveau dĂ©part. Toujours dans le canton, l’entreprise va bientĂŽt colorer une nouvelle usine Ă  Bernex de ses pigments. Ainsi, celle qui produit au quotidien assez de crayons pour relier la citĂ© de Calvin Ă  la capitale italienne, va poursuivre son histoire, connectant les artistes du monde entier Ă  travers des croquis, lettres et chef d’Ɠuvres, signĂ©s de la trame Caran d’Ache.

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