©Musée Barbier-Müller
Le GuideArt
11 juin 2021

WABI-SABI la beauté dans l’imperfection Steve McCurry & Musée Barbier-Mueller

Le Musée Barbier-Mueller a convié le photographe Steve McCurry pour aborder une exposition qui permet de refléter deux valeurs qu’ils partagent : leur ouverture sur l’humanité et leur forte sensibilité à la beauté.

par Patrizia Roncadi

L’exposition Wabi-sabi, ce mot emprunté à la philosophie japonaise signifie « beauté des choses imparfaites, impermanentes et incomplètes », résume plutôt bien le fil conducteur de l’exposition. Un dialogue inattendu entre les objets antiques de la collection du musée et 30 photographies de Steve McCurry.

Le photographe américain a reçu les prix les plus prestigieux de l’industrie de la photographie et du photo-journalisme, il fait maintenant partie des photographes les plus importants. On lui connait de nombreuses images fortes et particulièrement celui du portrait d’une jeune fille afghane aux grands yeux verts, Sharbat Gula, qui a fait la couverture du National Geographic en 1985 et aujourd’hui ancré dans la mémoire collective.

Grand voyageur, le photographe, Steve McCurry, témoin de cultures et de vies, aime choisir les détails qui racontent les histoires des lieux et des hommes qui les habitent. Il sait repérer des lieux imparfaits, patinés par le temps pour leur rendre toute leur splendeur. Dans ses clichés, la dimension humaine est propulsée dans une beauté irréelle qui transcende le délabrement des lieux.

Soldats afghans. Kaboul, Afghanistan, 2016 ©Steve McCurry Masque. Musée Barbier-Mueller. Photo studio Ferrazzini Bouchet.

La mise en scène de l’exposition est très bien équilibrée, chaque vitrine contient une composition faite d’une photographie posée à côté d’un objet qui amène à un dialogue émotionnel. Ces deux œuvres mise cote à cote deviennent une seule et même œuvre, elles se ressemblent soit par leur composition soit par la couleur ou la forme, on a du mal à savoir qui a influencé qui ?

La photo d’un arbre tordu prise en Ethiopie (2014) dialogue avec une épée du Burkina Faso. Les formes se ressemblent au point d’obliger à regarder plusieurs fois l’une et l’autre, de l’image à l’objet, et vice-versa. Ce va-et-vient du regard se renouvelle devant chaque vitrine, véritable caisse de résonnance d’émotions imprévisibles. La photo avec deux soldats afghans à Kaboul dirige le regard vers les deux grands yeux d’un masque de la civilisation sumérienne, datant du milieu du IIIe millénaire av. J.-C. avec le sentiment que l’une des œuvres à influencé l’autre. Le lien dépasse toute logique temporelle ou géographique et prend vie par les formes ou par les couleurs.

Masquette lukwakongo. Musée Barbier-Mueller. Photo Studio Ferrazzini Bouchet. Steve McCurry, Un homme marche dans des ruines. Kaboul, Afghanistan, 2003. © Steve McCurry.

Le spectateur se surprend à inventer des histoires, à vivre une expérience esthétique nouvelle. Les juxtapositions entre les photos des choses imparfaites et les objets d’une culture passée ouvrent des espaces parallèles dont les traits esthétiques sont communs à toute l’humanité.

Steve McCurry a beaucoup voyagé pour « ouvrir les yeux d’une manière qui n’était pas possible dans son pays », comme il le dit. Cette exposition, basée sur le témoignage de voyages, de rencontres et d’objets du passé, nous aura permis, nous aussi d’ouvrir les yeux et d’être émerveillé par la justesse de cette mise en avant de deux univers parallèles qui ne font plus qu’un.

Exposition au Musée Barbier-Mueller | Genève

15.12.2020 – 23.08.2021
Œuvres : 30 photographies de Steve McCurry associées aux objets de la collection du musée
Steve McCurry Studios
Concept : Bonnie McCurry V’Soske
En collaboration avec : Biba Giacchetti et Sudest 57
Visites guidées : consulter le site internet du musée www.barbier-mueller.ch.