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Portrait
03 février 2021

Léonie Bischoff – Heureux hasard que la BD

Plusieurs cordes artistiques à son arc, cette illustratrice, crayon à la main, nous emmène à la découverte de ses univers rêvés pour dessiner. Son dernier roman graphique Anaïs Nin: Sur la mer des mensonges, connait un formidable succès, parfait moment pour mettre en lumière cette artiste singulière.

par Laëtitia Cadiou

Qu’est ce qui aura fait que ce nouvel album BD biographique inspiré du journal de la sulfureuse auteure Anaïs Nin connaisse un tel succès ? Quelques confidences avec Léonie Bischoff mettent en évidence que parfois le succès naît avec des ingrédients maîtrisés et parfois certains émanent de l’air du temps permettant ainsi d’inviter de nouvelles pensées mais aussi compter sur le hasard qui parfois fait bien les choses. Commençons par le parcours, un heureux hasard ?

Léonie Bischoff est née en suisse en 1981, cette Genevoise aura su très vite trouver sa voie dans l’univers du dessin. Elle passe une matu artistique à Genève, puis fait le tour des écoles artistiques en suisse, toutes proposent des formations en arts visuels assez axées sur l’image, les installations, la vidéo mais trop éloigné du dessin. C’est à Bruxelles, à l’École Supérieure des Arts de Saint Luc que la dessinatrice en herbe va trouver sa voie joyeuse avec un hasard, celui d’obtenir dans son cursus Arts Visuels, une formation en Bande-dessinée, une matière à laquelle elle n’avait pas forcément pensé. Une révélation et surtout une forme d’expression qu’elle va s’approprier et manier avec adresse.

©Léonie Bischoff

Exilée en Belgique depuis, Léonie explique qu’elle n’aurait pas pu vivre du dessin en Suisse, le marché est trop petit et surtout une profession pas véritablement encore reconnue. « En Belgique c’est au contraire un métier valorisé ou une bédéiste n’a pas de problème pour louer un appartement », dit-elle amusée. Léonie nous parle de ses engagements et associations qu’elle a rejoint comme l’atelier Mille à Bruxelles, un atelier d’artistes, un lieu de travail stimulant mais aussi riche en échanges artistiques, quelques fanzines et des expositions collectives vont y voir le jour. Elle a également adhéré aux idées du Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme co-fondé en 2015 par Jul’ Maro et Lisa Mandel. Un mouvement de protestation contre la marginalisation des auteures. Il résiderait encore trop d’inégalités pour l’appréciation du travail de femmes dans la bande dessinée.

L’entrée d’Anaïs Nin le dernier personnage dans la vie de Léonie Bischoff encore un heureux hasard : « Je gardais des enfants le soir et, adorant lire je me retrouvais souvent à visiter les étagères des bibliothèques de mes employeurs ponctuels. Je suis tombée sur le livre Venus Erotica d’Anaïs Nin, textes écrits en 1940, des commandes faites par de mystérieux collectionneurs, amateurs de littérature érotique. Ce n’est que plus tard en chinant à Plainpalais que j’ai été attirée par une couverture de livre dont je retrouvais l’auteure que j’avais découverte quelques années auparavant. C’était une retranscription d’une partie de son journal intime, un exutoire, une plateforme permettant d’y inscrire tous ses fantasmes et ses combats en tant que femme dans le monde bourgeois dans lequel elle évoluait. J’ai été fascinée par le personnage et eu envie de me focaliser sur la période où elle vécu à Paris dans les années 30. Les années les plus intéressantes selon moi car elle est jeune et en phase d’introspection, à la recherche de liberté pour accéder à la création. »

©Léonie Bischoff

Léonie Bischoff aura réussi un véritable exercice de style en adaptant un journal intime en un roman graphique d’une grande subtilité ou sensualité rime avec poésie. On y découvre des moments truculents de la vie d’Anaïs Nin, de ses amours, ses fantasmes, sa vie de femme mariée mais aussi celle de la rencontre avec Henri Miller, sa quête pour devenir écrivaine. Les couleurs, un coup du hasard et de génie, celui d’utiliser son crayon trois mines dont elle se sert lors de séances de dédicaces, ces couleurs primaires et capricieuses vont pourtant apporter l’élégance et le raffinement des années 30 et souligner d’un trait délicat des moments fragiles et difficiles à exprimer.

Un vrai coup de cœur pour cet album qui nous donne envie de (re)découvrir les écrits d’Anaïs Nin, un tome II est-il au programme ?

Princess Suplex, 2010

Hoodoo darlin’, 2013

La Princesse des glaces, 2014

Le Prédicateur, 2015

Le tailleur de pierre, 2018

Anaïs Nin: sur la mer des mensonges, 2020