Exposition au MASI Lugano LAC, du 04 septembre 2022 au 08 janvier 2023
Exposée pour la première fois dans son intégralité au sein d’un contexte muséal, la Collection comprend quelques 70 œuvres : dessins au crayon, à la plume et au pastel, aquarelles, gravures et lithographies couvrant un large éventail de la production de l’artiste de 1914 à sa mort. Cet ensemble cohérent d’œuvres, fruit d’une sélection minutieuse depuis les années 1970, met fortement en évidence l’importance du dessin dans l’œuvre de Klee, et plus particulièrement du trait de la ligne.
Pour l’artiste, le dessin ne constitue pas une étape préalable à quelque tableau que ce soit, mais une œuvre en soi : près de la moitié de sa vaste production – qui compte quelque 9 000 œuvres – est faite de dessins. Dès son plus jeune âge, Klee se révèle un dessinateur habile et polyvalent. Il s’intéresse particulièrement à la qualité du trait dans les œuvres préhistoriques et les dessins d’enfants, dont il apprécie la spontanéité, l’authenticité et la réduction des formes. Il joue avec la ligne dans toutes ses formes : droite, en zigzag, verticale, horizontale, pour dessiner des cercles, des flèches, des chiffres, des lettres, des signes et des symboles. Il réalise de la sorte des œuvres graphiques à connotation ironique et humoristique, parfois à la limite du sarcasme et teintées d’une nuance plus dramatique. La ligne occupe également une position clé dans les écrits théoriques de Klee, et représente un élément récurrent dans ses conférences données au Bauhaus de Weimar et de Dessau, où il enseigne pendant dix ans. L’exposition est présentée dans un espace séparé afin de favoriser un dialogue étroit entre les œuvres et de refléter le lien intime qu’offre une collection privée. Le parcours est divisé en sept sections. Chacune d’entre elles explore les thèmes récurrents de l’œuvre de Klee et les moments MASILugano charnières de sa trajectoire artistique : nature et architecture, figure humaine et monde animal, années d’enseignement au Bauhaus, rapport particulier aux arts du spectacle, maladie et production picturale de ses dernières années (1935-1940). En outre, une section spéciale est vouée aux éditions originales de livres illustrés par Klee, catalogues d’exposition, monographies ainsi qu’un rare exemplaire complet du portfolio Meistermappe des Staatlichen Bauhauses de 1923.
La première section de l’exposition est consacrée au rapport avec la nature, source d’inspiration vive du processus créatif de l’artiste. En analogie avec la nature, l’artiste insuffle à ses œuvres un élan vital : une succession de phases allant de la genèse, à la croissance et à la prolifération d’éléments formels. Klee dessine et peint sans à priori. Le sujet ou la scène qu’il souhaite représenter jaillit spontanément, signes ou formes qui s’inspirent d’éléments réels, organiques ou inorganiques.
Dans la section suivante, consacrée à l’entre-deux-guerres et aux années du Bauhaus, on remarquera l’œuvre L’autre chambre hantée (nouvelle version) de 1925. Dans cette composition, Klee associe habilement la perspective centrale et une atmosphère empruntée à De Chirico pour créer une œuvre qui oscille entre inspirations cubistes et métaphysiques. Première œuvre de Klee acquise par Jorge Helft en 1970, cette œuvre occupe une place à part dans la Collection. Elle a été présentée en 1925 dans le cadre d’une exposition à la Galerie Vavin-Raspail à Paris, où le public français découvrait pour la première fois les aquarelles de Klee.
La visite se poursuit avec deux sections consacrées à l’exploration de la figure humaine et du monde animal ainsi qu’aux suggestions narratives propres à de nombreuses œuvres de l’exposition. Les figures de Klee sont souvent évoquées de manière concise, quelques traits suffisent à suggérer une expression ou une attitude. Même lorsque plusieurs personnages apparaissent dans ses compositions épurées, l’artiste crée une relation dynamique et intrigante entre eux. Observateur attentif du comportement humain et des interactions sociales, Klee se plaît à composer des scènes dramatiques et caricaturales dans lesquelles les animaux affichent des comportements dignes des contradictions et des vertus humaines.
La solide formation musicale de Klee – fils du professeur de musique Hans Klee et de la chanteuse Ida Frick, elle-même excellente violoniste – se manifeste autant dans la structure de ses œuvres que dans le choix de ses sujets. Klee s’inspire des formes de composition musicale classiques telles que la variation, la fugue et la polyphonie pour réaliser des œuvres qui se caractérisent par une harmonie formelle parfaite. Dans la section consacrée à la relation de Klee avec les arts du spectacle, plusieurs œuvres témoignent du grand intérêt de l’artiste pour le théâtre et les personnages de comédie et de cirque ; un monde dans lequel il entrevoit des métaphores du comportement humain, qui se réfèrent parfois à ses propres expériences personnelles.
La dernière section de l’exposition est consacrée aux œuvres de sa dernière période. Elles se caractérisent par une rapidité du trait, une réduction des formes et une matérialité quasi tactile, due à l’utilisation de couleurs très épaisses à base de colle d’amidon. À les regarder, ces œuvres semblent avoir été peintes directement avec les doigts, comme Vola le quartier de lune, 1939. Bien que marquées par la maladie, les dernières années de Klee sont d’une extrême productivité. Les œuvres présentées ici sont celles sur lesquelles « la mort jette son ombre », comme le rappelle Juan Manuel Bonet dans son essai publié dans le catalogue. En effet, une maladie incurable transforme progressivement le corps de l’artiste, qui apparaît littéralement « en morceaux » dans le dessin Métamorphose interrompue, 1939.
Une section spéciale est consacrée aux publications originales que Sylvie et Jorge Helft, bibliophiles passionnés, ont collectionnées au fil des ans. Il s’agit d’éditions rares et précieuses qui documentent les développements artistiques et littéraires des mouvements d’avant-garde du début du 20e siècle. À ne pas manquer : un exemplaire exceptionnellement complet du portfolio Meistermappe des Staatlichen Bauhauses avec, entre autres, une lithographie de Vasily Kandinsky et une composition constructiviste de László Moholy-Nagy.
MASI Lugano | LAC
Piazza Bernardino Luini 6, 6900 Lugano
Site : https://www.masilugano.ch/