Horlogerie
27 avril 2021

Vacheron Constantin: le succès de 57 complications

par Eugénie Rousak


Plus ancienne que la Genève helvétique, la pépite horlogère, Vacheron Constantin remonte le temps avec précision.

Alors que des artisans qualifiés affluent de toute part avec leur savoir-faire, la république protestante fleurit de ses nouveaux talents et s’aiguise dans les domaines techniques. Le XVIIIe siècle devient ainsi l’apogée d’un art qui mêle connaissance et habilité, l’horlogerie. Concentrés dans le quartier de Saint-Gervais, les Maîtres horlogers, perchés du haut de leurs cabinets de curiosités situés sur les derniers étages, la lumière est fondamentale ne l’oublions pas, manient pignons, roues et rouages. Parmi eux, un certain Jean-Marc, un inconnu qui est sur le point de fonder ce qui va devenir la plus ancienne manufacture horlogère au monde. C’est l’histoire de Vacheron Constantin.

Nous sommes en 1755. Fils d’un tisserand émigré, Jean-Marc Vacheron fait partie de ce que l’on appelle les cabinotiers cultivés, référence à l’appellation des ateliers à l’époque, les cabinets. Âgé de seulement 24 ans, il décide d’ouvrir sa propre fabrique et engage son premier apprenti. Si le nom de Esaïe Jean François Hetier n’est pas entré dans l’histoire, son contrat de travail est pourtant la première trace de l’existence de cette Maison bicentenaire. Une vraie relique de la future dynastie ! Elle sera vite rejointe par la première création de la fabrique, la montre signée « J.M. Vacheron à Genève ». Élégante et technique, elle donne le ton, plaçant l’aiguille du standard au-dessus de la couronne de vent.

Vacheron avant Constantin

Jean-Marc Vacheron, Première montre “J.M. Vacheron à Genève”, Le pantographe et Jacques-Barthélemy Vacheron ©Vacheron Constantin

Si la fabrique n’a jamais cessé ses activités en 266 ans, son développement s’est véritablement déroulé en dents de rouage. Comme le veut l’appellation d’horlogerie familiale, l’art aussi subtil que technique est transmis de père en fils. Aux côtés de son père, Abraham Vacheron rejoint l’entreprise avant d’accueillir son propre fils, Jacques-Barthélémi Vacheron en 1810. Ce changement de générations avec des chefs de tête aussi ambitieux que visionnaires permet à la Maison de traverser les éclats politiques de cette période. Alors que la Révolution française frappe la fidèle clientèle aristocratique de l’enseigne et que Genève est annexée à la France, la famille Vacheron continue de perfectionner son art et ses modèles. La fameuse Lépine, avec son cadran uniquement dédié aux secondes, l’apparition des premières complications horlogères et des montres musicales à deux mélodies naissent timidement sous les toits genevois. Alors que la détérioration des relations commerciales poussent beaucoup de concurrents à mettre la clé sous la porte, la marque se refuse au même destin. Réglée telle une horloge, elle enchaîne avec ingéniosité des stratégies de vente. Si exploiter son carnet d’adresses pour se positionner dans d’autres pays européens reste prosaïque, vendre des packs montre+tissu ou montre+bouteille d’alcool sortent des sentiers (quadrants?) battus. Et ces innovations fonctionnent, permettant à Vacheron de continuer son activité jusqu’à la chute de Napoléon, un grand soulagement pour l’ensemble de l’industrie genevoise ! La naissance d’une devise apparaît également:

La Maison horlogère est connue sous le double nom, pourtant seul Vacheron était jusqu’à présent mentionné. Erreur ? Absolument pas, Constantin arrive! L’année 1819 marque un tournant aussi bien au niveau de l’appellation que pour son avenir. Alors que Jacques-Barthélémi Vacheron a déjà donné l’impulsion à l’internationalisation de la marque, c’est sa rencontre avec François Constantin, un homme d’affaires genevois, qui propulse les créateurs au-delà des frontières et des océans, jusqu’au continent américain. En 1832, la petite affaire familiale s’établit même à New York. Un vrai rêve américain pour celle qui s’appelle désormais Vacheron & Constantin (avant de perdre le & en 1970). D’ailleurs, pour la petite histoire, ce marché sera si capital pour la Maison, qu’une montre-bracelet en forme de coussinet y sera dédiée en 1921. Mais ne nous précipitions pas trop vite, revenons au XIXe siècle. Si seuls les nom de Vacheron et Constantin ont traversé les âges, il y a pourtant un troisième homme qui a changé le destin de la fabrique… et de l’ensemble de l’industrie horlogère. Il s’appelle Georges-Auguste Leschot. Il est le directeur technique et c’est à lui que nous devons le pantographe. Symbole de précision, cette machine permet de percer des trous dans les platines, ce qui augmente grandement la vitesse de production. L’effet est tellement révolutionnaire qu’un nouveau bâtiment est même construit pour accueillir la manufacture en pleine expansion. Quelques années plus tard, le rez-de-chaussée sera attribué à la boutique et à une salle d’exposition, marquant l’expérience clientèle de cette marque prestigieuse. Pour accentuer et symboliser d’autant plus l’importance de la précision et la place de la rigueur dans l’ADN de l’enseigne, les dirigeants choisissent un logotype parlant: la symétrique et raffinée croix de Malte.

De 1 à 57 complications

Première montre “Cottier system” avec 31 fuseaux horaires, 1932 ©Vacheron Constantin
Montre “57260″ ©Vacheron Constantin

Les prouesses des horlogers se distinguent soit par des batteries ou plutôt tambour, de techniques innovantes, soit par des designs ingénieux et fascinants. Vacheron Constantin excelle dans les deux. Alors que le monde plonge dans une succession de guerres et conflits, les artisans de la Maison, d’année en année, séduisent le public par des créations toujours plus surprenantes. Le nombre de complications évolue à chaque collection et leur association devient de plus en plus complexe. Si la première montre avec l’affichage des 31 fuseaux horaires séduit en 1932 et que le délice technologique à 14 complications étonne en 1946, l’apogée de l’excellence de la marque est surement symbolisé par la création de la 57260 pour le 260 ème anniversaire. Huit ans ont été nécessaires pour composer ce bijou qui regorge de mécanique, comme son nom l’indique, avec un total de 57 complications ! Mais Vacheron Constantin ne relève pas que les prouesses techniques. Les défis lancés sont plus intrigants les uns que les autres ! Comment ne pas citer la montre-bracelet aussi épaisse qu’une pièce de 20 centimes ou l’asymétrique cadran pour lequel Vacheron Constantin a été la première entreprise horlogère à obtenir le Diplôme du Prestige de la France.

Mille et une étincelle

L’autre caractéristique de la fabrique genevoise est sa créativité inépuisable avec des techniques artisanales alambiquées. Textures, couleurs, matériaux tout y passe ! La marque n’hésite pas à s’aventurer dans les méthodes nouvelles, comme l’émaillage ou les dessins en gravure aussi élégants que pointilleux, pour des résultats surprenants. L’autre grande passion de Vacheron Constantin est celle des pierres. Que peut-être plus scintillant et magique que le modèle Kallista avec ses 118 diamants ou l’avant-gardiste Lady Kalla, mariage emblématique entre l’horlogerie et la haute joaillerie ? Les créateurs de la Maison n’hésitent d’ailleurs pas à puiser leur inspiration dans les domaines peu conventionnels de l’industrie pour repousser les limites de l’artisanat. Qui aurait pensé reproduire les masques du Musée Barbier-Mueller au milieu du cadran? Et oui, Vacheron Constantin l’a présenté au Salon international de la haute horlogerie de 2007. Un autre exemple serait cette collection multicolore aux motifs de l’artiste Maurits Cornelis Escher ! Un vrai délice visuel, que dire de plus ? Entre l’élégance décontractée de certains modèles et l’explosion oscillante des autres, Vacheron Constantin donne le ton à l’industrie avec son engagement inébranlable dans la technicité des mécanismes et l’avant-gardisme de ses collections. Minutieusement composée, chacune des créations raconte une nouvelle histoire à son détenteur, valorisant l’héritage familial du petit atelier sous les toits.

Montre à diamants “Kallista”, Montre “Tour de l’Île” et le siège international à Plan-les-Ouates, Genève ©Vacheron Constantin

Les conflits politiques, la crise du quartz et les changements à la tête de l’enseigne n’ont pas réussi à arrêter le mécanisme tournant de la marque. D’abord familial, puis intégré à Jaeger-Lecoultre et désormais sous l’emblème du Groupe Richemont, Vacheron Constantin fait indéniablement partie d’Ivy league de l’horlogerie. Féru défenseur de son savoir-faire ancestral et de ses valeurs de qualité suisse, la manufacture lance chaque année des nouveaux défis à l’industrie. Mais patience, patience le bijou des 270 ans est surement déjà en élaboration à Plan-les-Ouates.

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