HorlogerieSwissness
30 août 2022

Geneva Watch Days, 4 jours de rencontres au cœur de l’art horloger

par Eugénie Rousak


©Geneva Watch Days

Lancé en 2020, renforcé en 2021 et réinscrit à l’unanimité des Maisons participantes à l’agenda 2022, Geneva Watch Days s’est progressivement glissé parmi les rencontres phares de la haute horlogerie.

Avec la particularité d’être mondial, décentralisé et autogéré, ce salon professionnel rassemble un panel large et varié de grandes marques et indépendants célèbres pour proposer un mélange représentatif du paysage horloger. Ainsi, du 29 août au 1er septembre 2022 une trentaine de marques investissent les différents lieux au centre de Genève pour dévoiler leurs dernières créations et partager des moments de convivialité avec les détaillants, les médias et le public.

Si le terme de salon horloger renvoi à l’image d’un espace clos où vitrines s’emboîtent dans une joyeuse organisation en roues de couronnes, Geneva Watch Days a opté pour un emplacement des plus central avec des pignons satellites autour de la rade. Le nec plus ultra du fredonnement de l’art et tendances horlogères est traditionnellement le Pavillon commun, ingénieusement placé à la Rotonde du Mont-Blanc. C’est à l’intérieur de celui-ci que tout se passe durant les quatre jours :  des expositions aux panels de discussions, des présentations de créations aux conférences de presse, des diverses animations thématiques au réseautage international. Bref, un programme aussi rempli que minuté, au rythme de l’aiguille, la plus fine bien sûr ! Le tout avec vue sur le jet d’eau. En antagonisme à cette construction éphémère, des bâtisses centenaires genevoises, comme des hôtels, des manufactures ou encore des boutiques environnantes ouvrent leurs portes pour exposer les dernières nouveautés des marques participantes. Chacune a un cadre sur mesure, qui correspond à son identité et philosophie. C’est une ambiance toute autre, plus intime, plus décentralisée, plus à l’image des mœurs de la cité de Calvin. Enfin, privé ne veut pas dire caché, bien au contraire !

©Geneva Watch Days

Ainsi, repoussant le format classique de stands d’exposition habituels, le salon a définitivement conceptualisé une façon inédite d’organiser des événements et a mis en place des nouveaux codes de communication mondiale. D’ailleurs, en parlant du mondial, si à l’origine, le salon est une réponse aux confinements qui paralysaient progressivement le monde, ce nouveau format a décidé de se développer sur toutes les plateformes et dans toutes les dimensions. Le phygital de Geneva Watch Days est la nouvelle réponse à la pandémie ! Comme son nom l’indique, cette solution hybride entre physique et numérique permet de toucher aussi bien un public qui visite Genève que celui, dont le déplacement est malheureusement impossible. Ainsi, grâce à une plateforme virtuelle, ce dernier peut explorer librement le salon et découvrir les nouveautés en temps réel. A présent parlons de l’histoire.

La force de la motivation

©Breitling ©Bulgari ©Ulysse Nardin

Nous sommes en 2020. Le virus vient de faire son entrée fulgurante sur le continent européen et progressivement le monde se confine. Les salons, dont les fermetures s’enchaînent, ne font pas exception. Baselworld annulé, Watches and Wonders Geneva (l’ancien SIHH) annoncé uniquement en ligne, plus aucune rencontre n’est prévue pour le secteur horloger, déjà très fragilisé, pour ne pas dire en chute libre. Sans forcément se perdre dans les chiffres, il est néanmoins nécessaire de se remettre dans le contexte. Selon les données de la Fédération de l’industrie horlogère suisse, le chiffre d’affaires a baissé de 21.8%, alors que les exportations de garde-temps ont chuté de 33%. Au total, 13.8 millions de montres exportées en 2020, soit un nombre équivalent à l’année 1939. Bref, situation complexe et absence totale des échanges et rencontres entre professionnels du milieu. Dans cet environnement, un groupe d’horlogers, Breitling, Bulgari, De Bethune, MB&F, H.Moser & Cie, Ulysse Nardin et Urwerk, décident d’unir leurs forces et motivations pour organiser un nouvel événement pour l’industrie. Inédit et anticonformiste ! Bien entendu, dans un contexte de restrictions Covid-19 des défis et chamboulements étaient à prévoir. Par exemple, les dates de la première édition ont dû être décalées d’avril à août. Certes déstabilisant, mais il fallait un plus pour palier à la persévérance et l’enthousiasme des initiateurs. Le premier Geneva Watch Days a joyeusement ouvert ses portes en été 2020. Au total, 33 noms emblématiques du monde de l’horlogerie ont pu présenter leurs modèles aux clients et médias internationaux. De plus, le seul rassemblement professionnel du secteur de l’année était face au jet d’eau ! Ne parlons pas de l’influence genevoise sur l’industrie. D’ailleurs, Geneva Watch Days bénéficie du soutien de l’État et de la Ville de Genève. Couronné de succès, cet événement unique s’est rapidement transformé en première édition d’une rencontre annuelle, placée sous le signe de la convivialité, de l’engagement, de l’inclusion et de l’ouverture. La seconde édition a de nouveau envahi les lieux urbains à la fin de l’été 2021. Un pavillon de 600 mètres carrés a permis aux 25 participants d’aller à la rencontre de quelques 350 détaillants, de plus de 300 journalistes et du public, curieux de comprendre les nouveaux enjeux de l’industrie horlogère. La troisième édition a rapidement été annoncée du 29 août au 1er septembre 2022. La liste des participants s’est depuis allongée pour accueillir de nouveaux membres, répartis entre une vingtaine de lieux autour du lac. 

©De Bethune ©H.Moser & Cie ©Urwerk ©MB&F

Palette large de l’art horloger

Alors que les Geneva Watch Days sont une œuvre collective des membres participants, cette rencontre multimarques oscille particulièrement de façon fluide entre tous les pôles de l’industrie horlogère. Si chacune des marques suit sa propre idéologie, se positionne sur un segment particulier et évolue dans son style unique, toutes partagent l’envie de conjuguer le savoir-faire ancestral aux avancées techniques de la haute horlogerie. En accord avec sa philosophie d’inclusivité et d’ouverture à tous, le salon voit de plus en plus d’enseignes rejoindre chaque année cette expérience dédiée à l’art horloger, selon différents statuts. Il y a d’abord les sept membres fondateurs du projet. Les visionnaires d’une nouvelle ère des salons ! Breitling, Maison fondée à Saint-Imier en 1884, alors que la Suisse était plongée dans une profonde récession. A l’époque, le jeune Léon Breitling avait déjà une ambition très concrète « mesurer, diviser et maîtriser le temps avec ses chronographes emblématiques qui ont bercé l’entreprise jusqu’à présent. Ensuite Bulgari. Après avoir traversé la mer Méditerranéenne de sa Grèce natale en Italie, Sotirio Bulgari a séduit le monde par ses créations uniques. Jouant avec des motifs romains et inspirations ottomanes, la Maison invite des solutions éclectiques dans ses pièces. Il n’a fallu que quelques années à De Bethune, fondée en 2002, pour se glisser parmi les manufactures les plus innovantes dans l’horlogerie mécanique. Implantée dans les alpages du Jura suisse, elle se distingue par son esthétisme aux lignes pures et élégantes, qui cachent les prouesses technologiques dans les moindres détails. Comme son nom « Maximilian Büsser & Friends » l’indique, MB&F est avant tout une histoire d’amitié entre le fondateur et directeur artistique Maximilian Büsser et l’ensemble de ses partenaires, artistes, horlogers, designers. Créé en 2005, ce premier laboratoire horloger et artistique présente des modèles hors-norme, anticonformistes, voire un peu loufoques. Issu d’une famille d’horlogers, le schaffhousois Heinrich Moser décide de prendre son indépendance en fondant H.Moser & Cie en 1828. Sa signature ? Les cadrans fumés dans différentes couleurs, identifiables au premier coup d’oeil, reconnaissables même sans logo ! Portant fièrement le nom de son fondateur, Ulysse Nardin est la quintessence de l’ingénierie avant-gardiste. En 1860, la Maison a même acheté un régulateur astronomique de haute précision pour le calibrage de ses chronomètres de poche, le ton était donné pour les presque deux siècles d’aventures de garde-temps ! Urwerk se positionne toujours hors-catégorie de l’échiquier horloger avec ses modèles aussi dissidents que novateurs. La marque révisite la notion même du temps, en repensant complément l’affichage horaire sur le cadran… enfin s’il est possible de l’appeler cadran. Ce joli spectre de créateurs a été rejoint pour cette édition par Jacob & Co, en tant que Contributing Member. Connue pour ses garde-temps assertis de scènes de tableaux et de blockbusters, de monuments ou encore de signes du zodiaque, la marque est connue pour défier l’imagination. 

©Geneva Watch Days

Aux côtés de ces fondateurs, se sont rajoutés des Associates members, dont Arnold & Son, DOXA, Frederique Constant Group, Greubel Forsey, Maurice Lacroix, Oris, Phillips en Association avec Bacs & Russo, Reuge et Corum. Les nouvelles créations de Bianchet, Czapek, Louis Erard, Beauregard, Byrne, Hautlence, HYT, Krayon, Claude Meylan, Singer et Trilobe sont également présentées, ces enseignes étant des Regular members. Ainsi, tous ces grands noms de l’industrie sont en train de dévoiler en exclusivité leurs dernières innovations, les produits récemment développés ou des collections en avant-première. Geneva Watch Days nous réserve de bien belles surprises.

Avec quatre jours au rythme d’une trotteuse, toute l’industrie horlogère mondiale est présentée à Genève comme sur un cadran. Mais finalement, dans ce lieu entièrement dédié aux mesures du temps, le temps de sera pas vraiment compté !